Qu'est-ce que la philosophie ?

Introduction à la philosophie, K. Jaspers (6€)
Deux types de préjugés
Opinion 1 | Opinion 2 |
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source de révélations extraordinaires | réflexion sans objet |
concerne chacun | ne concerne qu'un public averti |
facile à comprendre | désespérément complexe |
Une vérité intime
Les sciences fournissent des connaissances apodictiques[1].
La philosophie malgré des efforts qui remontent à l'antiquité n'y est toujours pas parvenue : il n'y a pas en philosophie de savoir incontesté.
Dès qu'une connaissance philosophique approche de la certitude partagée elle passe aussitôt dans le giron des sciences (psychologie...)
Quand la science progresse et donne des résultats pratiques (techniques) la philosophie semble stagner.
Si nous en savons plus qu'Hippocrate[2] non ne pouvons pas dire que nous avons dépassé Platon.
C'est dans la nature même de la connaissance philosophique de ne pas permettre de consensus unanime.
Non pas la même connaissance pour tout entendement mais un examen critique qui engage l'intégralité de l'individu.
Les connaissances scientifiques concernent des objets particuliers et ne sont pas nécessaire à chacun.
Les connaissances philosophiques touchent nécessairement chacun dans ce qui lui est propre et, par le fait, sont d'une importance décisive.
Il ne faut pas en conclure que science et philosophie s'opposent, elles se nourrissent l'une de l'autre (le philosophe pense en s'appuyant sur le savoir scientifique et vise versa).
Chacun s'estime compétent
En science on reconnait que l'étude, l'entrainement, la méthode sont des conditions nécessaires à la compréhension.
En philosophie, au contraire, on a la prétention de s'y connaître et de pouvoir participer au débat, sans aucune préparation.
Il nous semble que le simple fait d'être humain, de disposer d'une expérience personnelle est suffisant.
Vrai : La philosophie doit être accessible à chacun (même au profane[3]). Ses voies les plus compliquées n'ont de sens que si, au final, elles rejoignent la condition effective de l'homme.
Faux : Si l'on peut avoir un avis sur tout, mettre en œuvre une réflexion philosophique ou la comprendre demande une méthode et une rigueur que l'on ne rencontre que rarement aux comptoirs des cafés. D'où l'enseignement de la philosophie en classe de terminale.
Questions enfantines
« La réflexion philosophique doit en tout temps jaillir de la source originelle du moi et tout homme doit s'y livrer lui-même. »
Une des preuves qu'il s'agit d'une attitude qui appartient à la nature humaine est à rechercher du côté des enfants.
« J'essaie toujours de penser que je suis un autre, et je suis quand même toujours moi. »
Problèmes philosophiques : le moi comme origine de toute certitude ; l'énigme de la conscience de soi...
Un enfant qui écoutait le récit de la Genèse demanda :
« Qu'y avait-il donc avant le commencement ? »
Problèmes philosophiques : principe de régression à l'infini ; les limites de la pensée...
On pourrait ainsi multiplier les exemples.
La question se pose de savoir pourquoi cette capacité à interroger le monde et soi-même semble, chez beaucoup, se tarir avec le temps.
Réponse de Jasper : « Tout se passe comme si, avec les année, nous entrions dans la prison des conventions et des opinons courantes, des dissimulations et des préjugés, perdant du même coup la spontanéité de l'enfant, réceptif à tout ce que lui apporte la vie qui se renouvelle pour lui à tout instant; il sent, il voit, il interroge, puis tout cela lui échappe bientôt. Il laisse tomber dans l'oubli ce qui s'était un instant révélé à lui, et plus tard il sera surpris quand on lui racontera ce qu'il avait dit et demandé. »
On n'échappe pas à la philosophie
La philosophie est partout :
dans les proverbes;
les opinions admises;
le langage des gens instruits;
les conceptions politiques;
surtout dans les mythes.
Les seules questions qui se posent :
est-elle consciente ou non ?
confuse ou claire ?
« Quiconque la rejette affirme par là même une philosophie, sans en avoir conscience. »
Origine et signification
Philosophe vient du grec philosophos qui est construit par opposition à sophos.
Celui qui aime le savoir est le philosophe ; celui qui le possède est le savant.
Encore aujourd'hui, le philosophe est celui qui recherche la vérité, non celui qui la possède. « Faire de la philosophie, c'est être en route. »
Les questions, en philosophie sont plus essentielles que les réponses, et chaque réponse devient une nouvelle question.
Est-ce pour autant une malédiction ?
L'homme par nature n'est pas un être statique, déjà réalisé. Il devient au fur et à mesure de sa vie. De la même manière la philosophie n'est pas figée elle se construit.
Le rejet de la philosophie
La philosophie a très souvent été considérée comme superflue et nuisible :
les religions l'ont rejetée en alléguant qu'elle éloigne de Dieu, qu'elle corrompt l'âme par des futilités.
les systèmes politiques totalitaires considèrent qu'elle perd son temps à interpréter diversement le monde au lieu de travailler à le transformer.
Tous deux s'entendent pour considérer que la philosophie sape l'ordre et stimule l'esprit d'indépendance.
À cela s'ajoute la norme de l'utilité face à laquelle le philosophe est impuissant : la servante de Thalès[4] se moquait de lui parce qu'il était tombé dans un puits alors qu'il observait le ciel étoilé.
De fait la philosophie n'a pas d'utilité immédiate et clairement discernable, elle est une posture. Une volonté non d'agir sur le monde et de le transformer mais de le comprendre, le philosophe ne cherche pas à être efficace mais seulement en accord avec lui-même.
Conclusion
Les contradictions, les prétentions à la vérité exclusive démontrent le désir ancré dans l'homme d'accéder à quelque chose dont on s'approche sans jamais l'atteindre tout à fait.
Cette quête qui se poursuit depuis toujours et partout montre que la philosophie est éternelle.
Nous pourrions définir la philosophie comme l'effort pour que « la réflexion soit aussi claire que possible et atteigne à l'essentiel »
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