Intérêt d'un recours historique
Depuis son origine la philosophie s'est emparée de cette question et les réponses apportées ont évolué avec le temps.
Il est intéressant de suivre l'histoire de ce paradoxe pour comprendre notre représentation contemporaine de l'esthétique.
L'un des principaux intérêts de l'histoire disait Foucault est de problématiser le présent.
Foucault ne faisait pas de la reconstitution du passé une fin en soi, ni même un moyen d’expliquer des faits singuliers à partir du contexte historique dans lequel ils sont apparus. Il instrumentalisait l’histoire pour problématiser le temps présent, entendant montrer que ce que nous sommes aujourd’hui ne dérive pas de la fatalité ou du caractère inéluctable de lois historiques, mais, pour une bonne part, du hasard et des décisions humaines.
Nous vivons dans un monde évident, les choses nous sont données comme si elles avaient toujours été ainsi. Or, c'est une illusion.
L'histoire, dans la mesure où elle nous décentre, nous permet de comprendre que ce que nous pensons est le fruit d'une évolution et en ce sens est accidentel.
Exemple :
Dans la séquence suivante tirée du film Gilda réalisé par Charles Vidor (1946) un élément a fait scandale.
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Code Hays (code de production du cinéma américain entre 1934-1954) source Wikipedia
La présentation de sujets vulgaires, répugnants et désagréables, doit être soumise au respect des sensibilités des spectateurs et aux préceptes du bon goût en général. L'obscénité dans le mot, dans le geste, dans la chanson, dans la plaisanterie, ou même simplement suggérée, est interdite. Le blasphème est strictement interdit et le code liste les mots à éviter : God, Lord, Jesus, Christ, Hell, S.O.B, Damn et Gawd. « Des titres licencieux, indécents ou obscènes ne seront pas employés » souligne le code, soucieux d'éviter que l’industrie du cinéma se serve des affiches de cinéma pour opérer un détournement de la censure et atteindre aux bonnes mœurs que le code Hays tente si vigoureusement de protéger.
L'indécence est interdite de même que la nudité, réelle ou suggérée, et les commentaires ou allusions d'un personnage à ce sujet. Les scènes de déshabillage sont à éviter sauf lorsqu'il s'agit d'un élément essentiel du scénario. Les costumes trop révélateurs sont interdits.
Les danses lascives, celles qui suggèrent ou représentent des relations sexuelles, sont interdites. Les danses qui comportent des mouvements indécents doivent être considérées comme obscènes.
Les sujets suivants, considérés comme « répugnants », doivent être traités avec beaucoup de prudence et de bon goût : la pendaison, l’électrocution et la condamnation à mort d’un criminel, le tatouage, le marquage au fer d'animaux et d'êtres humains, la brutalité et l'horreur, la cruauté envers les enfants ou les animaux et les opérations chirurgicales. La représentation d'esclaves blancs est prohibée.
Certains critères de « décence » reposaient sur les préjugés raciaux de l'époque. Ainsi, la Metro-Goldwyn-Mayer rejeta la candidature de la sino-américaine Anna May Wong pour le rôle principal dans une adaptation de The Good Earth (Visages d'Orient) de Pearl S. Buck en raison de principes interdisant les gestes intimes entre les diverses « races ». L'acteur principal masculin étant de race blanche (Paul Muni), les producteurs considéraient impossibles de lui donner une partenaire de type asiatique et choisirent plutôt l'actrice Luise Rainer, que l'on maquilla pour lui donner l'apparence orientale.
Exemple :
Aujourd'hui le premier épisode d'une série grand public propose les images suivantes qui mettent en scène un frère et une sœur :
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Réactions possibles
Complexe d'Obélix :
« ils sont fous ces américains ! Il est délirant de vouloir interdire un film uniquement parce qu'une femme montre ses bras de manière lascive... »
Histoire comme problématisation du présent :
« Qu'est-ce qui a bien pu se passer pour que notre regard actuel sur la nudité soit si éloigné de celui de l'époque ? »
Il ne s'agit plus ici de juger mais de reconnaître le caractère anecdotique de notre représentation contemporaine.
Ce qui n'empêche nullement de conserver un regard moral sur l'affaire, à savoir considérer que l'évolution nous semble effectivement pertinente ou non.