Le cheminement cartésien
Pourquoi douter ?
Un double constat :
il y a des opinions contradictoires dans l'esprit de chacun ;
l'homme se trompe souvent.
Descartes veut sortir de cette incertitude de fait.
Vers une science certaine :
Désir de sortir d'une science médiévale où tout était en discussion et simplement probable et de remplacer cette science par une science du certain, conçue sur le modèle des mathématiques.
Le doute prépare donc la certitude.
Nature du doute
Ici douter consiste à nier, c'est-à-dire tenir pour faux.
Non pas reconnaître que nous sommes incapables de déterminer si le fait est vrai ou faux (suspension du jugement septique) mais affirmer que c'est faux.
Pour nous il y a toute une gamme de degré allant du certain au douteux en passant par le probable. Chez Descartes au contraire il n'y a qu'une alternative, vrai ou faux.
Une chose est de dire que je doute, une autre de douter.
Dire je doute que deux et deux font quatre, ne signifie pas que j'en doute réellement.
C'est la raison pour laquelle il conseille à son lecteur de méditer quelques mois sur cette étape. Il s'agit d'être convaincu du caractère douteux de ce dont on doute.
Le doute cependant est provisoire, il a pour fonction de laisser la place à ce qui sera véritablement certain.
Élimination du sensible
« Les sens nous trompent quelques fois. Supposons donc qu'il n'y ait aucune chose qui soit telle qu'ils nous la font imaginer. »
Descartes ici ne met pas en doute une seule seconde l'existence du monde physique.
Mais seulement la fidélité des sensations qui nous renseignent sur lui.
L'argument du rêve
Ainsi le doute peut porter sur deux choses.
Je vois cette lampe, je peux me demander :
si ce que je vois dans cette lampe existe également dans l'objet ;
si est vrai qu'il y a une lampe.
À la première question Descartes a déjà répondu clairement non.
Mais les arguments actuellement proposés ne suffisent pas pour remettre en doute l'existence de la lampe.
En effet, si l'on reprend l'exemple du vin qui est amer pour le malade et doux pour le bien portant (argument classique des sceptiques grecs) nous sommes obligés de reconnaître que le doute ne porte pas sur l'objet mais sur le jugement sur l'objet. On reconnaît quoiqu'il arrive l'existence du vin, sinon la question n'a pas de sens. On doute uniquement de ce que nous disent nos sens sur l'objet.
L'argument du rêve lui, met en place un doute ontologique.
Quand on rêve qu'on se promène dans une forêt, l'erreur n'est pas de croire que la forêt est peuplée de pins ou de chênes mais de croire qu'il y a une forêt alors qu'il n'y en a pas.
Le doute sur les essences
Après être passé de la considération de ses mains, aux mains en général, Descartes en vient finalement aux essences, aux nombres, aux figures...
Ces objets résistent à l'argument du rêve (un triangle a toujours trois côtés, dans la réalité aussi bien que dans le rêve).
Pour Descartes c'est sur Dieu que repose en dernière instance la validité de ces idées, or Dieu ne pouvant être trompeur, ces idées sont nécessairement vraies.
Mais si on reconnaît l'existence d'une puissance capable de garantir la vérité de mes idées alors on est bien obligé de reconnaître qu'en principe un malin génie (sorte de sous-dieu malveillant) pourrait tout aussi bien exister et œuvrer pour me tromper.
Ainsi, même la vérité des essences est susceptible de tomber dans le doute.
La découverte de la subjectivité
Il ne reste alors à Descartes plus rien.
Au terme du doute méthodique qui porte donc sur la totalité de nos connaissances et des choses existantes, surgit une certitude qui échappe au doute : le cogito, "je pense, je suis".
Il ne s'agit pas de dire "je pense donc je suis" ce qui signifierait que l'être est une conséquence de la pensée. Mais il faut comprendre qu'il y a coexistence de l'être et de la pensée.
Cette vérité primordiale est pour Descartes le fondement de toute philosophie.
Cette pensée ou savoir immédiat que l'homme possède sur lui-même, est ce que Descartes appelle la conscience, laquelle est donc toujours une conscience de soi.
L'homme est l'être qui sait qu'il pense, les autres êtres pensent peut-être mais ne le savent pas.