La classification des désirs chez Épicure

Introduction

Dans La lettre à Ménécée.

L'objectif d'Épicure est de faire cesser autant qu'il est possible la souffrance inhérente aux désirs.

Non par leur réalisation, car un désir à peine satisfait un autre prend sa place et la souffrance renaît immédiatement.

Comme le montre Schopenhauer dans son texte la satisfaction étant ressentie comme comme la normalité nous ne pouvons en jouir à proprement parler.

Épicure va donc travailler à la racine du mal, il va s'efforcer d'éradiquer les désirs étant l'origine de nos maux.

Désirs naturels et nécessaires

  • pour la vie elle-même Il s'agit ici de ce que l'on appelle souvent les besoins vitaux : la faim, la soif, l'inclination à se reposer (dormir) quand on est fatigué sont des désirs à la fois naturels et nécessaires. En effet, on ne peut rester en vie sans donner satisfaction à ces désirs. Mais cela est simple. Un peu d'eau, du pain, un lieu pour s'allonger sont ce qui est ici nécessaire pour nous combler de ce point de vue.

  • pour le bien-être du corps

    traduit par repos ou par indolentia (= litt. La non douleur).

    il s'agit ici de protéger le corps contre les agressions du froid, des intempéries. Seront nécessaires le feu, le vêtement et l'abri.

    Pour Épicure, le progrès matériel est suffisant à l'époque où il vit. Progresser dans l'abondance des biens matériels ne contribuerait, pour lui, en rien au bonheur.

  • pour le bonheur Par nature, l'homme tend vers le bonheur. Entré dans la civilisation urbaine, il s'est égaré. La philosophie est devenue nécessaire comme moyen d'accès au bonheur. C'est la philosophie qui nous fait reconnaître que, parmi nos désirs, beaucoup sont sans objet et doivent être éliminés.

    Il faut ajouter ici que le désir de philosophie comme voie vers le bonheur implique un autre désir, selon Épicure : l'amitié.

    Il y aurait contradiction à désirer la philosophie pour le bonheur et à ne pas désirer l'amitié. Car le non-bonheur tient à deux choses : d'une part une relation à soi insatisfaisante, d'autre part, une relation à autrui non satisfaisante.

Désirs naturels et non-nécessaires

  • Le désir sexuel Selon Épicure, la non-satisfaction sexuelle est compatible avec le bonheur car elle n'est pas douloureuse : « Tous ceux des désirs dont la non-satisfaction n'amène pas la douleur ne sont point nécessaires, mais ils ont un appétit qu'il est aisé de dissiper lorsque la chose désirée est difficile à se procurer ou qu'ils paraissent capables de causer un dommage. » Chez Épicure, une bonne promenade ou un travail pénible dissiperont totalement ce type d'appétits.

  • Les désirs esthétiques Il s'agit ici des désirs relatifs aux plaisirs que donne la beauté. En ce sens, le rapport aux arts est ici en question.

Les désirs vains

Ce sont ceux qui vont au-delà de la limite inhérente à la nature ; ils comportent l'illimité, et, par là, s'opposant à la limite, s'opposent à la nature. Dès lors qu'ils nous engagent dans une poursuite sans fin, ils n'ont pas de sens, sont sans objet et « vides ».

On peut noter entre autre les maladies de l'âme telles qu'elles sont décrites par Kant, et qui dérivent toutes, selon lui, de ce qu'il appelle le mal radical (c'est-à-dire le mal à la racine – de l'âme), à savoir l'égoïsme :

  • La soif de posséder ;

  • La soif du pouvoir ;

  • La soif des honneurs.

Ces trois types de désirs visent tous un objet qui ne peut jamais être atteint car pour ceux qui sont possédés par de telles inclinations, il n'y a jamais assez de biens (matériels), de pouvoir ou d'honneurs. Tous ces désirs entrent donc dans la catégorie des désirs vains d'Épicure et font partie de ceux qu'il convient d'extirper de son âme par une ascèse bien conduite.

Conclusion

N'étant plus accaparé par la réalisation des désirs vains nous pouvons enfin profiter de l'instant pleinement.

Tant que nous désirons nous sommes aveugles à ce qui se passe autour de nous.

Nous remettons le bonheur à plus tard.

Oubliant qu'une fois atteint le désir vers lequel nous tendons, un autre viendra prendre sa place et différer une fois de plus la promesse du bonheur.

Ainsi, le désir ne serait pas la voie d'accès au bonheur mais ce qui nous empêche justement d'y accéder.

Épicure comme Schopenhauer reconnaissent que l'on ne peut se débarrasser radicalement des désirs mais Épicure propose malgré tout une voie pour limiter leur pouvoir de nuisance.