Le paradoxe subjectif-objectif
Il nous faut revenir sur l'un des problèmes les plus épineux du jugement esthétique.
L'opposition entre la subjectivité de ce jugement et sa prétention à l'universalité.
Deux thèses ici s'affrontent :
ceux qui défendent l'idée selon laquelle le beau est une affaire privée :
« chacun ses goûts »
ceux qui défendent son universalité, une chose doit être belle ou non, indépendamment du jugement singulier :
« il existe objectivement des objets prétendument artistique qui n'en sont pas »
(musique électroacoustique par exemple)
Chacun d'entre nous se trouve plus ou moins coincé entre ces deux affirmations.
Kant identifie deux caractéristiques du goût :
« Le jugement de goût détermine son objet (en tant qu beauté) du point de vue de la satisfaction, en prétendant à l'adhésion de chacun, comme s'il était objectif. »
« Le jugement de goût n'est pas déterminable par des raisons démonstratives, comme s'il était seulement subjectif. »
Il ne peut donc être contraint ni par le plus grand nombre ni par une preuve (notamment des règles édictées par un prétendu expert)
Ainsi le goût semble subjectif et objectif.
Kant résout ce paradoxe de la manière suivante :
Afin d'être en droit de prétendre à l'adhésion universelle à un jugement de la faculté de juger esthétique reposant sr de simples principes subjectifs, il suffit que l'on admette :
que chez tous les hommes les conditions subjectives de cette faculté sont les mêmes en ce qui concerne le rapport des facultés de connaître en ceci mises en action à une connaissance en général ;
que le jugement ne porte que sur ce rapport et est un jugement pur ; c'est-à-dire qui n'est pas mêlé à des concepts de l'objet ou à des sensations comme raisons déterminantes.