La distinction aristotélicienne
Définition
Aristote distingue dans le travail deux modes que nous confondons habituellement :
la production proprement dite, qui a pour but de produire des valeurs d'usage[1] , poïesis.
Il s'agit précisément de ce que nous définissions précédemment.
L'action qui vise l'amélioration de l'agent lui-même praxis.
Dans la poïesis la fin de l'action est une production séparable du producteur (exemple la cuisine).
Dans la praxis la fin de l'action est interne à l'agent lui-même.
Distinguer les fins de l'action
Il ne s'agit pas de distinguer des façon de travailler mais des modes d'action différents.
Autrement dit, ce ne sont pas les moyens qui sont en question mais les fins elles-mêmes.
Praxis - illustration
Dans la pratique sportive ce que l'on cherche à travers l’entraînement est de se modifier soi-même.
Bien jouer, ce n'est pas simplement comprendre théoriquement la stratégie et les mouvements physiques à mettre en oeuvre c'est adopter ces éléments, les inscrire en nous via une pratique récurrente.
La fin de l'action est donc une modification de l'agent.
Poïesis - illustration
Lorsqu'on construit une maison le produit de notre activité existe en dehors de nous et peut être transférer comme tel à autrui.
Cette production ne vaut pas pour elle-même mais en tant qu'elle permet de satisfaire un besoin particulier.
L'action aboutit à un produit extérieur au producteur et peut être consommée par autrui.
Justification de la distinction
Cette distinction est d'autant plus fondamentale chez Aristote que, pour lui, nous ne naissons pas déjà réalisé.
Il convient de pratiquer la vertu pour devenir vertueux.
Ainsi, une praxis s'impose aux individus qui doivent se réaliser, devenir humain au plein sens du mot.
Chez Aristote l'homme existe d'abord en puissance et ne se réalise pas nécessairement en acte, certains restent plus proche du barbare que de l'humain.
Nous atteignons tous un degré d'humanité différent.
Conséquence
Nous pouvons dès lors comprendre l'esclave dans la Grèce Antique comme un moyen de libérer l'homme libre de la servitude du travail conçu comme contrainte nécessaire à la survie de l'individu et du groupe (poïesis).
L'esclave (et il faut bien le reconnaître la femme) était chargé de la poïesis alors que l'homme libre se consacre lui à la praxis.
La poïesis est donc conçue par Aristote comme une pure dépense d'énergie sans véritable intérêt pour le producteur lui-même surtout s'il n'est pas le consommateur de ce qu'il produit.
Elle n'a d'autre but que nous maintenir dans l'existence et elle constitue un préalable nécessaire à la praxis.
Conclusion
Cette double modalité du travail nous permet de lever en partie le problème qui nous occupe.
Nous cherchons à nous libérer du travail en tant que poïesis mais nous développons le travail conçu comme praxis.
L'un ne vise que la satisfaction des besoins qui reviennent perpétuellement et peut être réalisé par autrui ou des machines.
L'autre nous permet de nous humaniser et ne peut être délégué.