Dialectique du maître et de l'esclave
Hegel, philosophe du XIXe va en quelque sorte renverser la thèse d'Aristote sans la nier, on parle de dépassement dialectique.
La rencontre
Lorsque deux consciences (êtres humains) se rencontrent, une rivalité émerge, qui a pour but la reconnaissance de l'autre.
Nous avons besoin d'autrui pour donner une consistance à notre propre existence.
Être regardé, sentir qu'autrui reconnaît notre supériorité vis-à-vis de lui est le désir fondamental de toute conscience selon Hegel.
Cette recherche passe par une lutte.
La lutte
Pour obtenir la reconnaissance de l'autre, chacun va risquer sa vie en tant que conscience.
Il ne faut pas nécessairement comprendre un risque de mort concrète (notamment dans nos sociétés modernes) mais une mort en tant que conscience qui se reconnait comme telle.
Quoiqu'il en soit, la lutte entre eux ne conduit pas à la mort de l'un des adversaires.
Parce que tuer détruit le témoin et donc la reconnaissance.
Au contraire, le vainqueur maintient en vie le vaincu dans le but de le faire travailler à son profit.
Par son travail le vaincu témoigne de sa reconnaissance dans la durée.
Nous avons alors affaire à une relation entre le vainqueur (le maître) et le vaincu (l'esclave).
La reconnaissance échoue
Dans cette situation le maître se trouve insatisfait de la reconnaissance obtenue.
Dans la mesure où l'esclave a abandonné la lutte pour se soumettre, il cesse d'être l'égal du maître.
Il est davantage saisi comme une chose, « un outil animé »
(pour reprendre une image empruntée à Aristote concernant l'esclave de l'Antiquité).
Ainsi, le maître cesse de le considérer comme conscience et sa reconnaissance ne compte plus.
Il lui faut se mesurer à une conscience libre.
L'esclave lui-même ne se reconnait plus fondamentalement comme conscience égale à celle du maître, il accepte en partie son existence en tant qu'objet, sinon il se révolterait contre le maître.
Renversement de la dépendance
On pourrait considérer alors que la relation de dépendance entre le maître et l'esclave est à sens unique, l'esclave dépend uniquement du maître.
Mais Hegel va montrer que le maître devient nécessairement dépendant de l'esclave.
Dépendance formelle
D'abord parce que ce qui fait de lui un maître n'est autre que la présence de l'esclave, si celui-ci disparaît ou se rebelle, il perd son statut.
Hegel parle ici de dépendance formelle.
Mais il en existe une autre que l'on pourrait qualifier de plus fondamentale.
La position de l'esclave
L'esclave, en transformant la nature, se réalise à travers son travail et se libère de cette même nature.
il s'en libère parce que son travail lui permet d'apprendre à satisfaire par lui-même ses besoins (et ceux du maître), ainsi il développe une forme d'autonomie.
il se réalise car dans toute poïesis se trouve une part de praxis
La cuisine, même le ménage, produise un changement dans le producteur de l'acte, nous développons des techniques et gagnons en efficacité
La position du maître
Le maître, ne travaille pas mais fait travailler l'esclave.
Il vit dans une consommation immédiate qui ne produit aucun effet sur lui, une pure consommation qui ne lui permet pas de se réaliser.
Le maître devient esclave de l'esclave car il dépend de lui pour sa subsistance.
Si ce dernier lui fait défaut, il est incapable de satisfaire par lui-même ses propres besoins.
L'oeuvre nous donne consistance
L'esclave se reconnait dans le produit de son travail.
L'oeuvre témoigne de son activité et de son existence.
C'est la raison pour laquelle lorsque nous passons des journées englués dans une pure consommation nous en sortons insatisfaits, Nous n'avons rien réalisé, notre existence perd alors sa consistance.
Par là, l'esclave plus que le maître accède à la reconnaissance de soi.