Les représentations du monde

Comment rendre compte de cette nécessité chez l'individu ?

Pourquoi suis-je incapable d'être sans une raison d'être ?

Le sens de mon existence ne m'est pas donné dès le départ.

Sans doute la question ne se pose pas d'emblée mais en grandissant je m'aperçois qu'il me faut donner un sens à ma vie pour échapper à l'éparpillement.

L'adolescence est souvent conçue comme la période où l'on prend conscience de son vide existentiel.

À quoi bon faire ceci ou cela ? Nous cherchons des réponses que le monde et la société semblent ne pas être en mesure de nous fournir.

Nous regardons autour de nous et constatons que si chacun s'emploie à exister pour telle ou telle raison, ces dernières nous semblent souvent sans véritable valeur.

Les taches que l'on nous impose ne font pas sens et nous cherchons vainement un moyen de nous inscrire dans l'existence.

Soudain nous ne savons plus nous occuper.

De fait, si mon existence n'a pas de sens, si je suis incapable de justifier la nécessité de ma présence, l'utilité de mon action alors à quoi bon dépenser de l'énergie en pure perte ?

C'est précisément la définition de l'ennui.

On croit habituellement que l'ennui consiste à être privé d'occupation possible.

On imagine que l'ennui s'épanouit dans des lieux où il n'y a rien à faire.

Pourtant l'ennui est une émotion qui peut survenir lorsque nous avons beaucoup de choses à faire, un large éventail d'actions possibles.

C'est d'ailleurs la réponse privilégiée des éducateurs qui nous conseillent d'en profiter pour nous promener, travailler...

Le conseil peut paraître bon mais il est sans effet pour lutter contre l'ennui.

« L'ennui n'est pas une maladie due au déplaisir de n'avoir rien à faire, mais c'est la maladie, combien plus grave, de se dire que rien, en fait, ne vaut la peine. Et dans ces conditions plus on a de choses à faire, plus on s'ennuie. »

Pessoa, Le livre de l'intranquillité (445)

Je ne m'ennuie donc pas lorsque je n'ai rien à faire.

Je m'ennuie lorsque rien de ce que j'ai à faire ne me semble valoir la peine.

Pour agir, il faut que je sois convaincu de l'intérêt de mon action.

Nous voyons donc surgir cette nécessité du sens.

Savoir d'où je viens me permet de me penser au-delà du moment présent.

Ce qui est la condition première pour donner une valeur à mon action.

Si je reste prisonnier du présent, toute action est vaine.

Il faut que je me saisisse dans le temps.

Que je me projette dans un avenir potentiel.

Il convient à présent de sortir de l'individu et de l'expérience personnelle pour rendre compte de ce problème plus largement.

Pascal notamment s'est emparé de cette question en développant le concept de divertissement.

Nous allons donc tenter de déterminer avec lui pourquoi la question des origines est si essentielle à l'homme en général.