Faits et processus

Un empirisme inversé

la connaissance du monde se détache de l'expérience sensible

cette dernière devient le moyen de valider des théories qui sont élaborées en dehors d'elle

Depuis Aristote la connaissance du monde consistait a observer le monde et à classer

À présent il s'agit de découvrir le monde en émettant des hypothèses qui sont le plus souvent en contradiction totale avec l'expérience sensible

Conséquences pour la science

si l'explication du monde ne dépend que de théories de plus en plus mathématiques, de moins en moins empirique.

Deux conséquences :

  • cette connaissance ne peut être accessible qu'à une minorité de scientifiques

  • elle cesse de rendre compte de notre réalité quotidienne, elle se sépare à proprement parler de l'expérience.

Elle cesse d'être concevable, c'est-à-dire il n'est plus possible de la relier à un réel auquel nous sommes de fait confrontés.

Elle se sépare de son objet.

Personne aujourd'hui n'est capable de comprendre le monde tel que nous l'envisageons scientifiquement

  • le commun des mortels en est incapable car il ne dispose pas des connaissances scientifiques nécessaire (cf. le Chat de Schrödinger le chat est à la fois vivant et mort dans la boite selon les principes de la mécanique quantique)

  • les scientifiques eux-mêmes en sont incapables car il ne sont spécialistes que d'une fraction de savoir, le reste leur échappe

  • même une assemblée de scientifiques en reste incapable puisque aucun esprit ni ordinateur n'est en mesure de faire la synthèse de nos connaissances

Conséquences pour l'Histoire

Si nous ne pouvons plus connaître le monde car nous ne l'avons pas conçu, au moins pouvons-nous connaître les faits humains, en un mot : l'Histoire.

« Les choses mathématiques nous pouvons les démontrer parce que nous les faisons nous-mêmes ; pour démontrer les choses physiques, il nous faudrait les faire. » Vico

Selon Vico, la connaissance de la nature est réservée à Dieu car il l'a conçue ; la connaissance de l'histoire est accessible aux hommes car c'est eux qui en sont les auteurs.

La science s'intéresse moins à ce que sont les choses qu'aux processus qui font advenir les choses (elle n'explique pas pourquoi l'eau bout à 100° mais dans quelles conditions cela arrive).

Comprendre scientifiquement une chose c'est en établir la nécessité d'existence, c'est à dire le processus qui l'a conduite à être.

La question centrale est donc devenue celle du processus.

Une nouvelle conception de l'Histoire

Le concept d'histoire s'en est vu entièrement bouleversé. Les actions humaines en tant qu'actions individuelles ont perdu leur sens historique.

L'objet de l'historien devient alors les processus humains : matière connaissable car ayant été produite par l'homme.

L'objectivité de l'historien

Dès lors l'histoire a souhaité s'ériger en science

Problème : la science explique quand l'histoire interprète

  • expliquer : rendre compte rationnellement d'une réalité patente

  • interpréter : donner un sens personnel, parmi d'autres possibles, à un acte, un fait, dont l'explication n’apparaît pas de manière évidente

la question de l'objectivité de l'historien surgit : l'expérience qui permet aux scientifiques de justifier la pertinence de leur théorie est impossible pour l'historien, leur objet étant passé il ne peuvent le réactualiser en fonction des besoins

Comment alors ne pas tomber dans le piège qui consiste à voir ce que l'on imagine dans les faits passés ? Comment vérifier la pertinence d'une théorie dans ces conditions ?

Dépassement

Mais une fois encore cette conception qui était celle de Vico, donc datée du XVIIIe siècle n'a plus cours aujourd'hui.

Pour la raison que nous sommes en état de modifier les processus naturels.

Ainsi, bien que nous n'ayons pas créé la nature, le seul fait de pouvoir la modifier rend possible une histoire de la nature, ou du moins des modifications humaines de la nature.

« Nous "faisons la nature" dans la même mesure que nous "faisons l'histoire" ». p.79

D'autre part cette quête de l'objectivité ne se comprend que par rapport à une histoire qui posséderait déjà un sens

La tâche de l'historien ne consistant alors qu'à dé-couvrir ce sens déjà là

Il faudrait donc soit :

  • que l'histoire soit cyclique

  • qu'elle progresse vers un but (téléologie)

Si par opposition on ne saisit l'histoire que comme un outil pour comprendre le présent et échafauder l'avenir la question de l'objectivité disparaît.

Sa pertinence est jugée alors en fonction de son utilité par rapport à la fin qu'elle se propose et non par rapport à sa vérité.

Synthèse

  • Les grecs : le fait individuel par sa grandeur doit-être conservé par une mémoire pour ne pas sombrer dans l'oubli.

  • Les romains : conserver la trace de l'exemple politique afin de permettre aux générations futures d'organiser efficacement la cité.

  • Les modernes : rejette également ces deux conceptions pour changer d'objet et ne considérer que la succession des phénomènes, ce qui les relie et non les phénomènes eux-mêmes.

La différence majeure entre le concept d'histoire des Anciens et celui des modernes repose sur le fait que :

  • les Anciens prenaient pour acquis que l'intelligibilité du phénomène se trouvait en lui-même (le sens de l'action, du fait historique devait donc naître de l'analyse de l'action ou du fait lui-même).

  • Pour les Modernes, le phénomène n'est que la trace visible d'un processus, le point de départ qui permet de remonter à son intelligibilité qui se trouve nécessairement dans un processus.