Séparation de la morale et de la religion
Introduction
Mais à partir de l'époque des Lumières, religion et morale ont commencé à se distinguer.
Moins à cause d'une volonté de négation de la figure de la divinité mais à cause des dérives de l'Église qui aboutissaient à faire de la religion un outil plus social que moral.
On reprochait à l'Église de former un pouvoir temporel, d'asseoir son autorité sur les esprits en agitant le spectre de la damnation.
La religion commence à apparaître alors comme un ensemble de rites contingents et arbitraires.
Exemple : Les indulgences
Selon la doctrine catholique, le péché est effacé par le sacrement du pardon (confession).
Mais ce sacrement n'enlève pas la peine temporelle due au péché, qui se traduit généralement par un temps de purgatoire si elle n'est pas d'abord purgée sur terre par des actes de foi et de charité (actes de réparation).
Cette peine temporelle peut être atténuée voire effacée par l'indulgence.
L'indulgence est dite partielle ou plénière, selon qu'elle libère partiellement ou totalement de la peine temporelle due pour le péché.
En ce qui concerne les indulgences partielles, elles se comptaient traditionnellement en jours, mois ou années.
Cette durée permettait aussi de canaliser les dévotions populaires, par la plus ou moins grande approbation qu'elle leur dénotait de la part de l'autorité sacrée.
On voit bien les abus auxquels ont pu conduire cette pratique.
L'Église est fortement soupçonnée de vouloir remplir ses coffres par le biais des indulgences et de contraindre les fidèles à agir selon ses intérêts propre et non ceux de Dieu.
Voltaire dénonce : « Après avoir ainsi composé avec les hommes, on composa ensuite avec Dieu. »
Cette « querelle des Indulgences »
est même l'une des causes du schisme entre catholiques et protestants.
Kant
On commence donc à considérer que nous n'avons pas besoin du Saint entendu comme intermédiaire entre Dieu et les hommes mais que l'on peut se contenter d'une religion dite naturelle, reposant sur la certitude de la distinction du bien et du mal sans avoir besoin de la faire dériver de l'existence d'un être divin.
Une « religion dans les limites de la simple raison »
, pour reprendre le titre d'un célèbre ouvrage de Kant.
Kant distinguait entre « agir conformément au devoir »
et « agir par devoir »
.
Lorsqu'un homme fait ce qu'on peut considérer son devoir, lorsqu'il fait le bien, il ne peut jamais déterminer pour quelles raisons il le fait, quelle est sa motivation réelle.
Il se peut qu'il fasse le bien, non pour faire le bien, mais dans l'espoir secret d'en retirer quelque avantage (considération sociale, réputation flatteuse, satisfaction de soi...) ce qui n'est jamais alors qu'agir conformément au devoir.
Faire vraiment son devoir, ce ne peut être que faire son devoir pour l'unique raison qu'il faut le faire, parce que c'est son devoir, c'est agir par devoir.
En ce sens, il ne peut être question de faire le bien pour en obtenir une récompense comme le paradis.
Mais en même temps, il serait scandaleux qu'un homme sincèrement juste n'en soit pas un jour récompensé. L'existence de Dieu devient un “postulat de la morale”. C'est à dire qu'il faut que l'homme juste soit récompensé pour sa vertu, mais la vertu consiste à faire le bien sans espérer en tirer jamais une récompense...
Kierkegaard
Le paradoxe devient encore plus aigu avec Kierkegaard.
Le véritable croyant ne peut pas espérer être sauvé sans commettre un péché d'orgueil.
Il croit donc en Dieu, mais en un Dieu qui, en ce qui le concerne, ne peut que le damner!
Celui qui va mériter réellement le paradis, c'est celui qui désespère sincèrement d'y entrer jamais!