Exercice
Blaise Pascal, Les Pensées, fg. 282
Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur[1]. C'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c'est en vain que le raisonnement, qui n'y a point de part, essaie de les combattre. Les pyrrhoniens[2], qui n'ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point. Quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l'incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car les connaissances des premiers principes: espace, temps, mouvement, nombres, sont aussi fermes qu'aucune que celles que nos raisonnements nous donnent et c'est sur ces connaissances du cœur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie et qu'elle y fonde tout son discours. Le cœur sent qu’il y a trois dimensions dans l'espace et que les nombres sont infinis et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux nombres carrés dont l'un soit double de l'autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent et le tout avec certitude quoique par différentes voies - et il est aussi inutile et aussi ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu'elle démontre pour vouloir les recevoir.
Cette impuissance ne doit donc servir qu'à humilier la raison - qui voudrait juger de tout - mais non pas à combattre notre certitude. Comme s'il n'y avait que la raison capable de nous instruire, plût à Dieu que nous n'en eussions au contraire jamais besoin et que nous connussions toutes choses par instinct et par sentiment, mais la nature nous a refusé ce bien; elle ne nous a donné que très peu de connaissances de cette sorte; toutes les autres ne peuvent être acquises que par raisonnement.
Question
Qu'est-ce qui justifie la supériorité de la foi sur la raison pour la connaissance ?
Comment comprendre le travail secondaire que fait la raison qui s'appuie sur ces
« connaissances du cœur et de l'instinct »
(l. 10) ?Selon Pascal, est-il possible de démontrer l'existence de Dieu ? Pourquoi ?
Donnez deux exemples de connaissance intuitive dans d'autres domaines que celui de la religion et justifiez.