Peut-on penser sans les mots ?

Position commune

Le langage est saisi la plupart du temps comme un moyen de communiquer sa pensée à autrui.

Nous imaginons alors le processus suivant :

  1. d’abord une pensée claire et distincte à la conscience de l’individu ;

  2. puis, un effort de la part de l’individu pour faire entrer tant bien que mal le contenu de cette pensée dans une langue spécifique.

Mais ce langage, étant créé a posteriori et défini non par l’individu lui-même mais transmis par une culture, il est nécessairement inadapté pour traduire la finesse de la pensée originale de l’individu.

Ainsi, le langage nous apparaît comme un mal nécessaire :

  • mal car il manque la subtilité de la pensée

  • nécessaire parce que nous en avons besoin pour mettre en œuvre une communication avec autrui.

L'ineffable est une pensée à l'état de fermentation

Critique de Hegel

Hegel, dans son texte, va renverser le problème en faisant du langage moins un enjeu de communication avec autrui que le moyen de rendre consciente une pensée qui, sans cela, resterait obscure à l’individu lui-même.

Le langage n’est plus alors saisi comme un obstacle à la pensée mais au contraire comme la condition de la pensée elle-même.

Hegel et avec lui de nombreux philosophes et linguistes considèrent que le mot est consubstantiel à la pensée.

Une telle affirmation est d’autant plus cruciale que si effectivement nous pensons par les mots alors le développement du langage est intiment lié à celui de la pensée.

Un langage riche permettrait donc de faire émerger une pensée plus claire et plus distincte pour l’auteur de la pensée elle-même.

Complément

« L'intention de signifier n'est pas extérieure aux mots ou en marge d'eux ; au contraire, en parlant nous effectuons d'une manière continue une activité de signification, activité interne, se fusionnant avec les mots, leur donnant pour ainsi dire une âme. Ayant reçu ainsi une âme, les mots et les discours entiers rendent alors pour ainsi dire corporelle en eux une signification et la portent en eux corporifiée à titre de sens. »

Husserl, Logique formelle et logique transcendantale (1957)