Le Panopticon de Bentham (pp. 233-239)

Rêve de transparence

On retrouve dans ce rêve de la transparence une suppression systématique de l’intimité, l’impossibilité de pouvoir s’oublier, il convient de se contrôler soi-même en permanence (Voir Nous[1]).

On retrouve cette même démarche architecturale dans le cercle d’Apple. De même l’openspace est par excellence un lieu disciplinaire.

Photo du siège d'Apple aux État-Unis
Apple Park
Apple Bureau

Photo d'un openspace d'Apple aux État-Unis

SimulationExercice

Expliquer le texte suivant :

« De là, l'effet majeur du Panoptique : induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir. Faire que la surveillance soit permanente dans ses effets, même si elle est discontinue dans son action : que la perfection du pouvoir tende à rendre inutile l'actualité de son exercice; que cet appareil architectural soit une machine à créer et à soutenir un rapport de pouvoir indépendant de celui qui l'exerce ; bref que les détenus soient pris dans une situation de pouvoir dont ils sont eux-mêmes les porteurs. » pp. 234-235

Trop et trop peu

Surveiller en permanence est en même temps trop et trop peu.

« Trop peu, car l’essentiel c’est qu’il se sache surveillé ; trop, parce qu’il n’a pas besoin de l’être effectivement. »

D’autre part la surveillance effective est trop coûteuse en terme de personnel et il faudrait encore surveiller les surveillants.

ExempleLa vidéo-surveillance

Dans la même optique on peut noter que les systèmes de vidéo-surveillance implantés dans les villes notamment sont le plus souvent défectueux ou ne sont ni regardés ni archivés.

Lorsqu’ils fonctionnent, l’objectif est davantage de pouvoir s’y référer en cas de besoin.

Nous retrouvons la logique développée par Giorgio Agamben[3], il est davantage question de gérer en aval que de prévenir des problèmes éventuel.

Ceci étant la vidéo-surveillance n’a pas besoin de fonctionner pour rendre un service, il suffit que le citoyen se croit surveillé (ou qu’il croit que les autres font l’objet d’une surveillance) tout en étant dans l’incapacité de vérifier l’effectivité d’une telle surveillance.

Visible mais invérifiable

Par là on dissocie le couple voir/être-vu.

Ainsi nos smartphones équipés de caméras au recto et au verso, d’un micro, de GPS qui laissent une trace de chacun de nos déplacements et de chacun de nos arrêts représente un équipement de surveillance hyper sophistiqué qui reprend cet impératif visible mais invérifiable.

La très grande majorité du temps nous écartons cette idée d’une surveillance constante en considérant qu’elle relèverait de la paranoïa ou en affirmant que nous n’avons rien à cacher.

Pour autant lorsqu’il nous arrive d’avoir un comportement susceptible d’être utilisé contre nous (au toilettes, visionnage de contenus pornographiques…) cette possibilité nous frappe très clairement.

Une habitude relayée

On pourrait même considérer que nos proches nous habituent à cette surveillance dès le plus jeune âge.

La majorité des parents accepte que leurs enfants s’équipent de smartphones à la condition d’avoir un droit de regard sur leurs pratiques numériques. Certains même s’en servent pour les géolocaliser.

Une telle surveillance est majoritairement jugée déplacée voire inquisitoire par les enfants.

Pour autant cette possibilité reste bien effective par d’autres acteurs (autorités de sûreté de l’État, opérateurs téléphoniques, hackers…)

Elle n’est sans doute pas effective mais reste néanmoins possible.

Essentiellement elle est moins visible ce qui nous permet de l’évacuer plus facilement, d’autre part nous nous y adaptons comme à un mal nécessaire et nous finissons par trouver cela normal.

ComplémentUtilisation des données personnelles

Un idéal politique

Si le Panopticon chez Bentham est associé à la prison, Foucault montre que cette image véhicule un idéal politique général.

Cet idéal ressemble assez aux univers de jeux vidéo dans lesquels il s’agit de faire progresser une civilisation, on met au travail des bots qui récoltent des ressources, que l’on utilise pour produire des objets techniques…

Chaque bâtiment est partiellement transparent et les données sont centralisées pour nous permettre tel un Dieu de faire fonctionner notre société idéale.

On retrouve cette logique dans les hôpitaux, les écoles, les entreprises…

L'expérimentation

Une fois les individus rangés, classés, domestiqués il devient possible de faire des expérimentations.

En changeant un paramètre ici ou là nous pouvons évaluer le gain d’efficacité.

Voire l’histoire des visseuses dans le podcast Les pieds sur terre : on repousse de manière infime les limites de l’ouvrier jusqu’au moment où il coule.

« Le Panopticon est un lieu privilégié pour rendre possible l’expérimentation sur les hommes, et pour analyser en toute certitude les transformations qu’on peut obtenir d’eux. » »