Illusion démocratique (pp. 253-260)

Démocratie représentative

Foucault affirme que le mode disciplinaire est contemporain au développement des démocraties représentatives.

« Les Lumières qui ont découvert les libertés ont aussi inventé les disciplines ».

Il développe l’hypothèse selon laquelle la contrepartie de émergence d’une société plus égalitaire est le développement des modalités disciplinaires.

Au fond le pouvoir donnerait d’une main ce qu'il reprendrait de l’autre.

La discipline ré-articule autrement et affine la dissymétrie.

Le modèle contractuel

La démocratie n’aurait alors de contractuelle que le nom.

Dans le contrat deux partis entendu comme égaux s’engagent l’un vis-à-vis de l’autre.

Chacun s’engage en connaissance de cause et les gains et les pertes sont également répartis.

Le modèle du contrat notamment thématisé par Rousseau dans Le contrat social[1] prend sa source dans la constitution de l’État :

« Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout. »

L'esclavage par contrat

Dans ces conditions Rousseau récuse la possibilité de passer un contrat qui rendrait l’une des parties esclave de l’autre.

« Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. Il n’y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l’homme, et c’est ôter toute moralité à ses actions que d’ôter toute liberté à sa volonté. Enfin c’est une convention vaine et contradictoire de stipuler d’une part une autorité absolue et de l’autre une obéissance sans bornes. N’est-il pas clair qu’on n’est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger, et cette seule condition, sans équivalent, sans échange, n’entraîne- t-elle pas la nullité de l’acte ? Car, quel droit mon esclave aurait-il contre moi, puisque tout ce qu’il a m’appartient, et que son droit étant le mien, ce droit de moi contre moi- même est un mot qui n’a aucun sens ? » Contrat social, I, 4[1].

Fondamental

Pour les mêmes raisons Foucault note que l’on ne peut devenir sujet disciplinaire par contrat :

« Il faut plutôt voir dans les disciplines une sorte de contre-droit. Elles ont le rôle précis d'introduire des dissymétries insurmontables et d’exclure des réciprocités. D'abord parce que la discipline crée entre les individus un lien privé, qui est un rapport de contraintes entièrement différent de l'obligation contractuelle ; l'acceptation d’une discipline peut bien être souscrite par voie de contrat ; la manière dont elle est imposée, les mécanismes qu'elle fait jouer, la subordination non réversible des uns par rapport aux autres, le plus de pouvoir qui est toujours fixé du même côté, l'inégalité de position des différents partenaires par rapport au règlement commun opposent le lien disciplinaire et le lien contractuel, et permet de fausser systématiquement celui-ci à partir du moment où il a pour contenu un mécanisme de discipline. » p 259

Conclusion

Au fond Foucault estime que ce n’est que dans la mesure où la discipline détermine une obéissance plus radicale que les tenants du pouvoir ont accepté de faire évoluer l’État vers un système plus égalitaire.

Au fond, la démocratie donnerait une illusion d’égalité mais conserverait l’ensemble du pouvoir entre les mains d’une élite. Dans une certaine mesure le peuple était plus libre dans le système monarchique.