La composition des forces (pp. 190-199)
Fondamental :
« Il n’’est pas un seul instant de la vie dont on ne puis extraire des forces, pourvu qu’on sache le différencier et le combiner avec d’autres »
p. 194
Une force utile pour la Nation
Reprise de l’idée qu’il ne faut pas contraindre les corps artificiellement mais prélever les forces existantes.
Ne rien laisser de côté, se saisir de toute force pour la rendre utile aussi infime soit elle.
C’est pourquoi même les vieillards et les enfants peuvent être mis à contribution, si on les articule de manière précise avec les autres forces.
Une fois encore on retrouve cette idée que la vie humaine en tant que force et en tant que temps doit être rentabilisée.
Qu’un individu social doit être une force utile pour la Nation, que chacun doit prendre une place dans le système de production de valeurs sous peine d'être marginalisé.
Remarque : La « valeur travail »
J’ai été arrêté lors des dernières législatives (2024) par la redondance dans la bouche de certains politiques de la formule : la valeur travail.
Celle-ci est employée comme une évidence et n’est nullement questionnée. Comme si le fait de travailler était la seule modalité d’existence acceptable.
Sans doute on peut considérer que le travail est bénéfique :
soit parce qu’il nous permet d’échapper à l’absurdité de la mort (Pascal),
parce qu’il est une modalité de la reconnaissance de soi (Hegel),
parce qu’il nous permet de développer des puissances, de nous réaliser comme être humain (Aristote),
voire parce que par le travail nous améliorons nos moyens d’existence individuelle et participons au progrès de notre civilisation.
Pour autant dans chacun de ces cas le travail n’est pas une valeur en soi, il ne vaut pas pour lui-même.
On pourrait dire que l’honnêteté est une valeur dans la mesure où même si elle ne m’apporte rien de concret, voire qu’elle est un obstacle pour la réalisation de mon désir, je continue à la considérer bonne en elle-même.
Le travail lui ne vaut que pour ce qu’il produit, il n’est donc pas une valeur mais un moyen.
Dès lors tout travail n’est pas égal, il en est de plus ou moins bien adaptés en fonction de la fin que l’on se propose et dans certains cas il vaut mieux être oisif que de travailler.
Dans cette perspective cette formule : la valeur travail semble être davantage un mantra[1] qu’une vérité, donner à croire que le travail est une valeur relève alors de la stratégie politique.
La raison comme obstacle
Foucault développe l’idée que l’objectif recherché est d’oblitérer la pensée des individus, de supprimer l’esprit critique.
La réflexion est doublement préjudiciable à la modalité disciplinaire :
d’une part elle est susceptible de conduire à un rejet de la discipline, le constat d’une perte d’autonomie et la volonté d’en reprendre possession,
d’autre part la réflexion est chronophage, elle occupe un temps qui cesse d’être utile.
C’est moins la peur de la désobéissance qui conduit à supprimer l’esprit critique des sujets que le constat que la réflexion prend du temps au dépend de l’action et qu’elle est source d’erreurs.
Le réflexe est beaucoup plus efficace à ce titre, tout comme l’instinct.
C’est lorsque nous pensons le mouvement que celui-ci devient chronophage et source d’erreur.
Plus nous nous approchons d’un geste instinctif et plus ce dernier est fluide et parfait. Voir notamment la pratique des musiciens et des sportifs.
Dans cette optique le dressage est plus efficace que l’éducation puisqu’il ne s’adresse pas à la rationalité du sujet.
La raison est ici un obstacle.
Le dressage des individus
Moins l’ordre a de sens pour le sujet disciplinaire plus il a de chance d’être réalisé efficacement, le sens donne prise à la réflexion.
Pour autant il ne faut pas donner d’ordres complexes qui impliquent également une réflexion.
Il convient donc de préférer des micro-injonctions qui prises isolément sont dénuées de sens mais qui combinées permettent de produire l’acte attendu.
Complément :
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Produire sans penser
L’informatique propose des exemples éclairant de ce type de procédure notamment parce qu’un programme informatique ne possède aucune rationalité, il ne comprend pas ce qu’il fait.
Un programme peut reproduire avec une précision indiscernable à l’œil humain un tableau de maître, pour cela il n’est pas besoin de lui apprendre la peinture ou l’harmonie des formes et des couleurs, ni de lui parler du peintre, de son modèle, des circonstances. Il suffit de déterminer un algorithme qui affecte une teinte précise à chaque pixel. Ce travail n’a rien à voir avec la peinture pour autant il la simule mieux que le meilleur des faussaires.
Il existe des méthodes de dessin qui fonctionnent par décomposition des tâches, sans avoir aucune idée de la perspective, aucune technique picturale, on parvient en suivant un algorithme à produire une image satisfaisante, ce qui ne fait pas de nous un peintre ou un dessinateur pour autant mais plutôt un automate.