La qualité
Fondamental :
Le plaisir esthétique est désintéressé.
Le beau n'est pas objet de désir
« Le goût est la faculté de juger d'un objet ou d'un mode de représentation, sans aucun intérêt, par une satisfaction ou une insatisfaction. On appelle beau l'objet d'une telle satisfaction. »
Kant, Critique de la faculté de juger (CFJ).
Kant exclut donc du champ de l'esthétique la faculté de désirer.
Il convient de n'avoir aucune attente concernant l'existence ou la possession de l'objet en question.
Ce qui implique que l'émotion esthétique est la seule satisfaction autonome (c'est-à-dire qui n'est pas déterminée de l'extérieur mais ne dépend que du sujet seul)
Distinction d'avec les autres plaisirs
Ce critère de la qualité va permettre à Kant de distinguer le plaisir esthétique des autres plaisirs : l'agréable, l'utile et le bien.
l'agréable :
« ce qui plaît aux sens dans la sensation »
Kant, CFJLa présence de l'objet est requise pour ressentir le plaisir de l'agrément (plaisir sensible).
Exemple : un plat agréable.
L'utile:
« Nous disons bon à quelque chose (utile) ce qui ne plaît qu'à titre de moyen. »
Ici le plaisir ressenti est lié à une promesse de plaisir (sensible ou conceptuel), c'est donc la représentation d'un plaisir futur qui est la cause du plaisir ressenti.
Il s'agit donc non plus d'un plaisir sensible mais d'un plaisir en idée.
Exemple : L'argent qui nous manque pour acquérir un objet agréable ou pour offrir un cadeau.
Le bien :
« Nous disons bon en soi ce qui plaît par lui-même »
.Ici également il s'agit d'un plaisir en idée.
À la différence de l'utile qui n'est qu'un moyen, le concept lui-même est la source du plaisir.
Exemple : Offrir un cadeau (le plaisir issu du fait de faire plaisir à autrui)
Dans les trois cas nous sommes en présence d'un but, soit la représentation d'une « satisfaction concernant l'existence d'un objet ou d'une action, c'est-à-dire un certain intérêt. »
Kant, CFJ
Ainsi l'intérêt qui nous pousse à rechercher l'objet ou l'action est déterminé par le plaisir que sa présence nous procure.
L'attrait du beau est pour Kant d'une autre nature puisque justement l'intérêt qui règle ces autres plaisirs en est absent.
Difficulté
Ce critère du désintérêt entre en contradiction notamment avec la thèse d'Épicure qui qualifiait le désir esthétique de naturel et non nécessaire.
Une telle affirmation de la part de Kant pose le problème de notre rapport à la Beauté : si elle n'est pas l'objet d'un désir, quel rapport entretenons-nous avec elle ? Qu'est-ce qui nous y attache ?
Nous tenterons de dépasser cette difficulté dans la suite de notre analyse.