La quantité
Fondamental :
« Est beau, ce qui plaît universellement sans concept. »
Le double paradoxe de la proposition
Si l'on comprend de ce qui précède que le plaisir esthétique ne peut plus être lié au concept (ce qui le ferait régresser dans l'intérêt) on voit mal ce qui peut être la cause de ce plaisir sans objet.
Prétendre à l'universalité du jugement esthétique est également problématique : d'une part l'expérience semble le récuser (subjectivité) et d'autre part, si ce n'est pas sur le concept, sur quoi peut se fonder une telle universalité ?
Jugement esthétique et jugement de connaissance
Pour tenter de dépasser ce double paradoxe il convient de comparer le jugement esthétique au jugement de connaissance.
Dans les deux cas ces jugements prétendent à l'universalité.
Autrement dit, émettre de tels jugements revient à prétendre qu'ils doivent valoir pour tous.
Dans le cas du jugement de connaissance cette prétention s'appuie sur le concept de deux manières :
la définition du concept - chacun doit adopter la même définition des choses (qu'elles soient sensible ou intelligible)
la coïncidence entre le concept et l'expérience - nous devons tous reconnaître que le concept correspond bien à la réalité qu'il détermine.
Cela ne signifie nullement que nous ne soyons pas capables de nous tromper ici et là, la cause de l'erreur est alors à chercher dans les fondements du concept lui-même qu'il convient de préciser.
Si l'on comprend bien cette prétention à l'universalité concernant le jugement de connaissance, il est impossible de s'appuyer sur la même justification concernant le jugement esthétique puisque justement il doit être « sans concept »
.
Le jeu des facultés
Kant résout le problème de la manière suivante : tous les êtres humains sont bâtis sur un modèle commun.
Ils disposent des mêmes facultés qui s'articulent entre elles et fonctionnent de manière globalement identiques.
C'est l'état d'esprit du sujet propre à ressentir une émotion esthétique qui est supposée universelle.
Quelle est-elle ?
Lorsque nous ressentons une telle émotion, c'est le résultat d'un jeu entre nos facultés (l'imagination[1] et l'entendement[2])
Réponses aux paradoxes
Ainsi, le double paradoxe est levé :
ce qui est la cause du plaisir esthétique c'est justement le jeu des facultés (et non le concept ou l'objet)
l'universalité est liée au fait que nos facultés jouent de manière identique lorsque nous sommes confrontés aux mêmes objets.
Conclusion
On pourrait en conclure que Kant se rapproche dans une certaine mesure de la première thèse d'Hippias dans la mesure où il sort la beauté des jugements de connaissance.
La différence (et non des moindres) est qu'ici la beauté ne provient pas de l'objet ou d'une de ses caractéristiques.
La beau n'est à présent que le résultat d'un jeu interne des facultés du sujet, l'objet n'est que l'occasion.