Platon - Le Protagoras

Première publication : Ve av. JC

Langue : grecque

Écriture : accessible

Silhouette : svelte

Coût : bon marché

La structure

Nous rencontrons Socrate, Protagoras et toute une assemblée qui se presse autour du célèbre sophiste arrivé en visite à Athènes il y a peu.

Socrate ne vient pas seul, il accompagne un ami qui souhaite s’attacher les services de Protagoras, il en attend de grands avantages dans sa vie publique comme privée

mais Socrate ne tarde pas à lui démontrer qu’il ignore ce qu’un sophiste pourra effectivement lui apporter.

Animés par le désir de le découvrir, ils entrent donc dans la demeure qui accueille Protagoras.

S’en suit un dialogue entre nos deux figures du savoir.

  • L’un sûr de son fait, habile à discourir

  • l’autre qui se présente sous les dehors du disciple en quête de réponses.

Par ses questions d’une fausse naïveté Socrate serre Protagoras au plus près.

Le fond

Le philosophe poursuit dans ce dialogue un double objectif :

  • il démontre à l’assemblé que derrière les discours assurés du sophiste se cachent des contradictions et démonte certains procédés rhétoriques.

  • il s’interroge et nous avec lui, sur la vertu. Le courage, la tempérance ou la magnanimité sont-elles les aspects d’une seule et même chose ou bien des éléments distincts ? Et puis, avant tout, qu’est-ce donc que la vertu ?

Le propos n’est pas ramassé en une synthèse mais se déplie lentement, Socrate revient à l’ouvrage, questionne encore et toujours pour arriver enfin à la solution du problème.

La voix de Protagoras, très présente au début, s’épuise lentement pour disparaître. À la fin, il se contente de hocher la tête en signe d’assentiment.

Aucune violence dans ce débat mais de la force et de conviction. Les adversaires se respectent et se craignent.

Il s’agit d’un jeu dont il convient de maîtriser les règles, avoir raison ne suffit pas, il faut l’emporter. Le public arbitre le duel et consacrera le vainqueur.

Extrait

SOCRATE. - Est-ce que le sophiste, Hippocrate, ne se trouve pas être une sorte de négociant qui vend, en gros ou en détail, les marchandises dont 1 âme se nourrit ? Car c'est ainsi qu'il m'apparaît, à moi.

HIPPOCRATE. - Mais, Socrate, de quoi l'âme se nourrit-elle ?

SOCRATE. - D'enseignements, bien sûr, dis-je. Et nous devons prendre garde, mon ami, à ce que le sophiste ne nous abuse pas, lorsqu'il fait l'article des marchandises dont il fait commerce, comme le font les négociants qui vendent, en gros ou en détail, la nourriture du corps. En effet, ces derniers ne savent pas eux- mêmes quelles sont, parmi les denrées qu'ils apportent, celles qui sont bonnes et celles qui sont mauvaises pour le corps, et font indifféremment l'article de toutes celles qu'ils vendent, et leur clients n'en savent rien non plus, à moins qu'ils se trouvent être maîtres de gymnastique ou médecins. De la même manière, ceux qui colportent leurs enseignements de ville en ville, pour les vendre en gros ou en détail, font à chaque fois l'article de tout ce qu'ils vendent à l'intéressé, et peut-être, excellent ami, s'en trouve-t-il parmi eux qui ignorent, des produits qu'ils vendent, ceux qui peuvent être bons et ceux qui peuvent être mauvais pour l'âme ; et cela vaut, de même, pour leurs clients, à moins qu'ils ne se trouvent être cette fois médecins de l'âme. S'il se trouve donc que toi, tu saches ce qui est bon ou mauvais, tu peux, en toute sécurité, acheter des enseignements, à Protagoras ou à n'importe qui d'autre ; sinon, prends garde, bienheureux ami, de ne pas risquer sur un coup de dés ton bien le plus précieux. Car le risque est bien plus grand lorsqu'on achète des enseignements que lorsqu'on achète des aliments. En effet, les aliments et les boissons que l'on achète, en gros ou en détail, on peut les emporter dans des récipients distincts de soi, et, avant de les absorber dans son corps, en les mangeant ou en les buvant, il est possible de les entreposer chez soi, d'appeler un connaisseur et de prendre conseil auprès de lui, pour savoir ce qu'il faut manger ou boire, en quelle quantité, et à quel moment ; de sorte qu'on ne court pas un grand risque à faire cet achat. Des enseignements, en revanche, il n'est pas possible de les emporter dans un récipient distinct de soi, mais il est nécessaire, une fois le prix payé, de prendre l'enseignement dans son âme même, d'apprendre et de s'en aller, qu'il y ait dommage ou profit.

Platon, Protagoras