Schopenhauer - L'art d'avoir toujours raison

Première publication : 1864

Langue : allemande

Écriture : accessible

Silhouette : svelte

Coût : bon marché

Le contenu

Schopenhauer y expose 36 stratagèmes permettant de l'emporter lors de controverses, indépendamment de la vérité du point de vue que l'on soutient.

Cet essai fait d'ailleurs souvent référence à la sophistique, telle que Socrate la dénonçait.

L’Art d’avoir raison est un guide de combat rhétorique, qui ne recule devant rien : ni la mauvaise foi, ni les vices de la raison.

Ce travail qu'il considère comme le premier essai d'une « dialectique scientifique » a aussi pour but de bien distinguer ces stratagèmes afin de pouvoir les dénoncer.

Extrait

Stratagème XXX - Argument d’autorité

L’argumentum ad verecundiam [argument portant sur l’honneur]. Celui-ci consiste à faire appel à une autorité plutôt qu’à la raison, et d’utiliser une autorité approprié aux connaissances de l’adversaire. Unusquisque mavult credere quam judicare [chacun préfère croire plutôt que juger] dit Sénèque et il est donc facile de débattre lorsqu’on a une autorité à ses côtés que notre adversaire respecte. Plus ses capacités et connaissances sont limitées et plus le nombre d’autorités qui font impression sur lui est grand. Mais si ses capacités et connaissances sont d’un haut niveau, il y en aura peu, voire pratiquement pas. Peut-être reconnaîtra t-il l’autorité d’un professionnel versé dans une science, un art ou artisanat dont il ne connaît peu ou rien, mais il aura plus tendance à ne pas leur faire confiance. À l’inverse, les personnes ordinaires ont un profond respect pour les professionnels de tout bord. Ils ne se rendent pas compte que quelqu’un fait carrière non pas par amour pour son sujet mais pour l’argent qu’il se fait dessus et qu’il est donc rare que celui qui enseigne un sujet le connaisse sur le bout des doigts, car le temps nécessaire pour l’étudier ne laisserait souvent que peu de place pour l’enseigner. Mais il y a beaucoup d’autorités qui ont le respect du vulgus sur tout type de sujet, donc si nous ne trouvons pas d’autorité appropriée, nous pouvons en utiliser une qui le paraît ou reprendre ce qu’à dit quelqu’un hors contexte. Les autorités que l’adversaire ne comprend pas sont généralement celles qui ont le plus d’impact. Les illettrés ont un certain respect pour les phrases grecques ou latines. On peut aussi si nécessaire non seulement déformer les paroles de l’autorité, mais carrément la falsifier ou leur faire dire quelque chose de votre invention : souvent, l’adversaire n’a pas de livre à la main ou ne peut pas en faire usage. Le plus bel exemple réside en ce curé français, qui, pour ne pas avoir à paver la rue devant sa maison comme devaient le faire tous les autres citoyens, cita une phrase qu’il déclara biblique : paveant illi, ego non pavebo [Qu’ils tremblent, moi, je ne tremblerai pas] qui convainquit les conseillers municipaux. En outre, un préjugé universel peut également servir comme autorité. Parce que beaucoup de personnes croient comme le disait Aristote que α μεν πολλοις δοκει ταντα γε ειναι φαμεν, il n’y a pas d’opinion, si absurde soit-elle, que les hommes ne sont pas prêts à embrasser dès qu’ils peuvent pourvu qu’on puisse les convaincre que c’est une vue généralement admise. L’exemple affecte leur pensée et leurs actions. Ils sont comme des moutons, suivant celui qui porte le grelot où qu’il les mène : il est pour eux plus facile de mourir que de réfléchir. Il est particulièrement étrange que l’universalité d’une opinion ait autant de poids lorsque par l’expérience on sait que son acceptation n’est guère qu’un processus imitatif sans aucune réflexion. Cependant, ils ne se posent pas cette question parce qu’ils ne possèdent plus de connaissance qui leur soit propre. Seuls les élus disent avec Platon τοις πολλοις πολλα δοκει [à une multitude de gens, une multitude d’idées paraissent justes], c.-à-d. le vulgus a beaucoup de bêtises dans le crâne, et cela prendrait trop de temps que d’y remédier.