Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience

Première publication : 1889

Langue : française

Écriture : exigeante

Silhouette : plantureuse

Coût : dispendieux

Le fond

  1. Thème : Notre rapport au monde.

  2. Affirmations préliminaires : selon Bergson, il convient de distinguer :

    • l'objet qui occupe un espace parmi les autres objets ; que nous saisissons comme un corps aux arrêtes clairement discernables

    • le sujet, qui existe à travers ses états de conscience, qui eux ne peuvent être discernés qu'abstraitement.

  3. Problème : d'où vient que nos états de conscience nous apparaissent comme distincts les uns des autres alors qu'ils ne s'expriment qu'à travers un développement qui se déploie sans interruption tout au long de la vie ?

    Par exemple, pourquoi nous représentons-nous la colère comme une émotion au contour défini qui varie d'intensité selon les situations et les individus qui l'éprouvent ?

  4. Thèse : nous pensons le temps en terme d'espace.

  5. Argumentation :

    • Chapitre 1 : Les états psychologiques ne peuvent être réduits à une liste d'émotions distinctes dont l'intensité varie.

    • Chapitre 2 : Critique de notre compréhension du temps.

      Temps mathématique : symbolisé par l'horloge qui bat les secondes successivement ;

      Durée consciente qui se déploie et dont chaque moment n'existe que dans son interpénétration avec ceux qui le précèdent et ceux qui le suivent, moment qui n'a donc aucune existence concrète en tant qu'objet singulier.

    • Chapitre 3 : Pour saisir l'essence de la liberté il convient d'abandonner l'ambition de la définir comme une chose parmi les choses.

      Nous devons appréhender l'action au sein de la durée ; l'action libre est un projet qui s'élabore, qui se déploie dans cette durée dont on ne peut définir les moments que par abstraction, une fois que l'acte est déjà réalisé.

Extrait

Critique de la notion d'intensité des états de conscience : il n'existe pas de colère plus ou moins intense.

Nous ne voyons pas de différence essentielle entre l'effort d'attention et ce qu'on pourrait appeler l'effort de tension de l'âme, désir aigu, colère déchaînée, amour passionné, haine violente. Chacun de ces états se réduirait,croyons-nous, à un système de contractions musculaires coordonnées par une idée : mais dans l'attention c'est l'idée plus ou moins réfléchie de connaître : dans l'émotion, l'idée irréfléchie d'agir. L'intensité de ces émotions violentes ne doit donc point être autre chose que la tension musculaire qui les accompagne. Darwin a remarquablement décrit les symptômes physiologiques de la fureur : "Les battements du cœur s'accélèrent : la face rougit ou prend une pâleur cadavérique ; la respiration est laborieuse ; la poitrine se soulève ; les narines frémissantes se dilatent. Souvent le corps entier tremble. La voix s'altère ; les dents se serrent ou se frottent les unes contre les autres, et le système musculaire est généralement excité à quelque acte violent, presque frénétique..." Les gestes représentent plus ou moins parfaitement l'acte de frapper ou de lutter contre un ennemi. Nous n'irons point jusqu'à soutenir, avec M. William James, que l'émotion de la fureur se réduise à la somme de ces sensations organiques - il entrera toujours dans la colère un élément psychique irréductible, quand ce ne serait que cette idée de frapper ou de lutter dont parle Darwin, idée qui imprime à tant de mouvements divers une direction commune. Mais si cette idée détermine la direction de l'état émotionnel et l'orientation des mouvements concomitants, l'intensité croissante de l'état lui-même n'est point autre chose, croyons-nous, que l'ébranlement de plus en plus profond de l'organisme, ébranlement que la conscience mesure sans peine par le nombre et l'étendue des surfaces intéressées. En vain on alléguera qu'il y a des fureurs contenues, et d'autant plus intenses. C'est que là où l'émotion se donne libre carrière, la conscience ne s'arrête pas au détail des mouvements concomitants : elle s'y arrête au contraire, elle se concentre sur eux quand elle vise à les dissimuler. Éliminez enfin toute trace d'ébranlement organique, toute velléité de contraction musculaire : il ne restera de la colère qu'une idée, ou, si vous tenez encore à en faire une émotion, vous ne pourrez lui assigner d'intensité.

Notions au programme

La conscience Le langage La liberté La nature La raison La science Le temps